Pétrole, comment comprendre le lundi noir sur les marchés ? 2/2

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Le pétrole est aussi un produit financier spéculatif

Le marché du pétrole se négocie avec des contrats à terme, avec des échéances de livraison fixes. Le contrat de WTI à échéance mai arrivait à expiration ce mardi 21 avril. Avant cette date, les détenteurs de ces contrats doivent soit les revendre, soit prendre livraison du volume réel de brut correspondant.

Face à cette situation, les détenteurs de contrats préfèrent payer pour se débarrasser de ce pétrole qu’ils ont acheté à l’avance. D’où cette folle braderie. C’est ce mouvement qui a entraîné le WTI à -37 dollars. Cet effondrement est provoqué par un faible volume de contrats échangés, remarquent les experts de Goldman Sachs. Un moindre mal en quelque sorte.

« Ce qui se passe, c’est que des tradeurs ou des spéculateurs qui avaient acheté un contrat pétrolier se trouvent dans l’incapacité de le vendre et n’ont pas de lieu pour le stocker. (…) Ou bien cela peut aussi vouloir dire qu’ils sont totalement inexpérimentés dans ce jeu et qu’ils se retrouvent avec un contrat dont le délai expire et dont ils ne comprennent pas complètement le sens », commente le vice-président de IHS Markit, Roger Diwan, sur Twitter.

L’industrie pétrolière américaine en péril

Cette descente aux enfers aura plusieurs conséquences. D’abord, le secteur du pétrole américain fait déjà face à un carnage économique et social. Des dizaines de milliers d’emplois sont en passe d’être détruits et plusieurs milliers d’entreprises sont menacées de faillite à brève échéance. Logiquement, la production américaine va fortement diminuer dans les prochains mois, et il y a peu de chance qu’elle retrouve de sitôt son pic de 12 millions de barils. C’est un pan du projet énergétique de Donald Trump qui s’effondre : le président a multiplié les gestes envers le secteur des hydrocarbures depuis son arrivée au pouvoir, en supprimant des réglementations environnementales mises en place par ses prédécesseurs.

Son objectif était d’atteindre la « domination énergétique » des États-Unis : il espérait non seulement débarrasser l’Amérique de sa dépendance aux importations, mais aussi exporter des barils pour s’imposer dans le grand jeu pétrolier mondial. L’effondrement du baril américain signe la fin probable de cette stratégie. L’Agence d’information sur l’énergie (EIA) estime ainsi que les Etats­Unis vont redevenir, dès 2020, importateurs net de brut.

Le pétrole américain pourra­t­-il remonter cette pente ? Fin mars, Saoudiens et Russes sont revenus à la table des négociations et ont convenu de coupes massives avec leurs alliés du cartel OPEP + (qui rassemble les membres de l’OPEP, la Russie et une dizaine d’autres pays): ils se sont engagés à réduire leur offre de plus de 10 millions de barils, soit 10 % de la production mondiale.

Dans le même temps, plusieurs grandes économies, notamment la Chine, l’Inde, les Etats­-Unis et la Corée du Sud, se sont engagées à augmenter leurs réserves nationales, pour soutenir la demande. Un « deal » global obtenu sous la forte influence de Donald Trump, qui a convaincu Vladimir Poutine et Mohammed Ben Salman, le prince héritier saoudien, de revenir à la table des négociations.

Mais cet accord ne s’applique qu’à partir du mois de mai : entretemps, les producteurs ont continué à pomper allègrement. Surtout, il a de grandes chances d’être insuffisant à moyen terme pour rétablir l’équilibre sur un marché totalement instable. « Cette volatilité extrême est très mauvaise pour l’économie mondiale », s’inquiétait, mercredi 15 avril, Fatih Birol, le directeur de l’Agence internationale de l’énergie, qui prévenait déjà : « Quand on regardera 2020 dans quelques années, on en parlera comme la pire année dans l’histoire du marché pétrolier. Et on appellera ce mois-ci “l’avril noir du pétrole”. »

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